Nombres paroles autour de la spiritualité annoncent joyeusement et victorieusement le rapprochement tant attendu et rassurant entre science et spiritualité/divin. Comme si ces deux pôles majeurs et opposés de la quêtes humaine/existentielle pouvaient enfin se rejoindre.
Cette question n’est certes pas nouvelle, mais elle prend actuellement une très grande ampleur, comme si, enfin, la dualité esprit/matière était résolue !
En effet, il y a dans l’air depuis longtemps, pour nombre de personnes en quête de spiritualité, comme une nécessité pas bien assumée, que le discours spirituel soit en accord avec (validé par) ce que peut avancer la science. Comme un besoin vital d’une validation rationnelle, un besoin de légitimité.
À notre époque, le discours scientifique (ou plus précisement prétenduement scientifique) bénéficie d’un prestige et d’une autorité à toute épreuve, sorte de référentiel absolu. Car il serait en rapport direct et objectif avec la réalité. Le discours scientifique a, pour la plupart d’entre nous, valeur de vérité.
(À une autre époque, en terme d’autorité et de validation on se référait de la même manière à la bible. Ce qu’est la science n’est pas plus questionné aujourd’hui que ne l’était la bible alors).
Cette culture de la science, cette manière de voir la science, est tellement puissante, qu’il est extrêment difficile aux yeux de tous, d’être ligitime et respecté dignement dans une pratique spirituelle ou une foi qui ne reposerait pas sur des fondements scientifiques.
Les mouvements spirituels divers, bien que qu’étant de plus en plus fort, sont comme écartelés par cette apparente et écrasante nécessité de la validation scientifique et tentent d’y répondre. Ou plus précisement, croient y répondre, de manière apparement habile et rigoureuse, à coup d’« énergie », de « vibration », de « quantique » ou du « tout information ».
À aucun moment n’est remarqué que l’on baigne dans flot de représentation, tout cet imaginaire romantique séduisant et fascinant en apparence cohérent, et que le rapport au vécu est bien loin. Aucune rigueur n’est apportée ni même questionnée pour distinguer ce qui est vécu de son interprétation, l’imaginaire qu’on lui associe.
Souhaitons vraiment pouvoir entendre prochainement une telle conversation :
« Et toi, tu crois en Dieu ?
— Ben oui, c’est même prouvé scientifiquement maintenant ! »
Comme si cette conversation pouvait faire un quelconque sens en terme de vérité.
Car qui détient la vérité, tout le monde, personne ? Si on arrive à mettre d’accord tout le monde, alors ouf, on est sauvé ! On est rassuré car on croit alors tenir quelque chose de solide.
Ces tentatives de rapprochement science / spiritualité ne sont pas pertinentes se méprennent et s’égarent pour les raisons suivantes :
1 — à propos de la science : le discours scientifique n’a pas, n’a jamais eu et n’aura jamais valeur de vérité.
2 — à propos de la démarche spirituelle : rechercher ou affirmer une validation scientifique dans une démarche spirituelle est à l’opposer du chemin de l’ouverture du cœur, du divin ou de la « libération ».
Voici pourquoi :
1 — À propos de la science
— La science ne travaille pas de manière directe avec la réalité qu’elle prétend/croit étudier.
— La science ne parle/décrit pas la réalité ou la vérité (et est dans l’incapacité fondamentale de le faire), mais des représentations supposée correspondre à la réalité, qui sont plus ou moins fonctionnelles et abouties (*image de la carte de randonnée et la randonnée elle même).
Ce n’est pas pas dans sa fonction que de dire ce qui est vrai ou de décrire le réel. Sa fonction est de questionner, de remettre en question
— Le scientifique est pris à l’intérieur d’un point de vue, même s’il le sait. Ce point de vue est par définition limité et orienté. Il est pris dans une culture, une histoire, une intentionnalité, des attentes, des projections, qui définissent l’expérimentation et ses conclusions de manière majeure.
— La science est fondamentalement dualiste. Un partant du principe que l’observateur est séparé de ce qu’il observe, le scientifique ne peut être en rapport qu’avec des représentations et non pas la réalité. De plus il passe par des outils qu’il a lui-même conçu et qui sont donc déjà orientés. Ce dualisme fondamental est un biais fondamental majeur.
— La science est en réalité un outil formidable pour investiguer et déjouer nos croyances (c’est-à-dire les prétendues certitudes) et l’expérience de manière rigoureuse.
Douter, poser des questions, autrement dit ouvrir notre rapport au monde et se rapprocher du réel, en questionnant toujours plus avant et non pas en donnant des réponses, là est le vrai rôle de la sciences. Empêcheuse de tourner en rond.
Toute réponse est nécessairement limité, réductrice, donc fausse, aveuglante, enfermante.
2 — à propos de la spiritualité
— Tenter de rapprocher science et spiritualité suppose en fait de rapprocher les représentations de l’une et l’autre. Cela suppose qu’avoir une compréhension/représentation/définition du divin serait une démarche pertinente dans le cadre du chemin spirituel, et que cette compréhension et représentation pourrait dire quelque chose de vrai.
Or le chemin spirituel consiste, à l’inverse, à se libérer des représentations et entrer de plein pied dans le vécu (randonner pour de vrai, pas s’extaser devant une carte IGN ou un guide touristique comme si on était déjà arrivé quelque part) !
— Le chemin spirituel consiste à s’abandonner de manière digne et engagée dans la vie, pas d’acquérir des connaissances ou une maîtrise du « divin » ! Il ne s’agit pas d’atteindre une destination (ce que semble donner la connaissance) mais de vivre pour vivre.
— Il consiste à reconnaître que notre tendance à contrôler sans cesse (espérant que c’est ainsi qu’on se sentira vraiment exister) EST justement ce qui nous enferme et nous empêche d’habiter pleinement la vie.
Cette tendance à contrôler nous met dans un rapport séparé/dualiste au monde, alors que la démarche spirituelle vise au contraire à retrouver un rapport vivant, unifié et accordé au réel.
— Lorsque l’on est dans une pratique spirituelle authentique, une légitimité pLorsque l’on est dans une pratique spirituelle authentique, une légitimité profonde et impersonnelle de notre existence se manifeste. On ne ressent alors plus le besoin de légitimer sa pratique par des références extérieures. On ne ressent plus le besoin de convaincre les autres. Notre être rayonne simplement.rofonde et impersonnelle de notre existence se manifeste. On ne ressent alors plus le besoin de légitimer sa pratique par des références extérieures. On ne ressent plus le besoin de convaincre les autres. Notre être rayonne simplement.
Donc, cette quête de rapprochement entre science et spiritualité révèle une double incompréhension :
— la démarche de valider/légitimer le discours spirituel est à l’opposé de la démarche spirituelle,
— de toute façon la science n’a pas ce pouvoir.
S’il y a effectivement un rapprochement qui se fait actuellement, c’est entre une science pervertie et un rêve romantique du divin, de la spiritualité, à la sauce moderne.
Entretenir cette quête de rapprochement science/spirituel ne fait qu’entretenir la séparation, la dualité. Cette quête ne fait qu’entretenir au cœur même des milieux spirituels ce qui nous enferme et crée la souffrance dans l’humanité depuis toujours. Comme ça nous aiderait de savoir que « c’est ça la vérité, enfin on l’a trouvé », on pourrait alors se détendre et propager la bonne parole !
Tous ces efforts de liens/ponts/unification science/spirit sont tous des démarches/intentions égotiques, tendant à nous sentir rassurer en nous donnant l’impression qu’on a compris quelque chose, que le sens de l’existence est à portée du mental, de l’égo (le centre du saisissement et de la mise sous tension existentielle).
Cette croyance que l’on peut comprendre/saisir le réel, le divin et que ça nous sauverait est l’erreur fondamentale de l’être humain.
Ce qui caractérise l’humanité est cette oscillation entre s’ouvrir réellement, et croire qu’on peut saisir le réel. S’abandonner à l’existence, ou croire/avoir l’illusion que l’on contrôle l’existence.
On ne voit pas que notre attitude de quête de connaissance/saisissement donne systématiquement l’effet inverse de ce qui est recherché.
Cette dynamique/culture de rapprochement science/spiritualité est subtile (elle porte les mêmes habits) et extrêmement puissante. Elle est le piège le plus grand, l’égarement le plus grand et le plus puissant, car le plus doré qui soit.
On l’appelle aussi le matérialisme spirituel.
(Porte les mêmes habits sauf que ici ce sont les imitations qui sont étiquetées avec de belles marques, tandis que les originaux/authentiques n’ont pas d’étiquettes… 😉
Cette tendance à chercher une légitimité extérieure ou à convaincre ne fait que révéler un manque d’ancrage profond. Ce manque d’ancrage est à la mesure de la force ou de l’assurance à se légitimer ou à convaincre.
Conclusion
Cette quête de rapprochement science/spiritualité est à l’opposé de ce qu’est la science, et à l’opposé de ce qu’est le chemin spirituel. Elle nous met dans un rapport séparé au monde, croyant être validée par une science qui ne le pourra jamais !
Là ou science et spiritualité peuvent vraiment se rapprocher c’est d’avoir un esprit critique et de questionner toujours plus avant notre expérience, et l’humilité.
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